Cassation PESSON GERARD
Clarinette, Trio à Cordes et Piano
Classique
Description :
Le terme, "cassation" naguère été utilisé en musique qu'au XVIIIe siècle dans le sens assez vague de divertimento. Son étymologie est très controversée. La cassation est souvent donnée comme sérénade des adieux ou morceau qui devait achever un moment de musique - venant en cela peut-être du mot italien cassazione. Mais on le fait dériver aussi de l'expression allemande gassatim gehen, avec un sens de promenade nocturne et amoureuse (du mot Gasse : chemin, voie, ruelle). Le mot, et le genre qui en découle, combinent ainsi la dédicace, la notion d'envoi (aspect sérénade), mais aussi l'idée de promenade nocturne, de surprise offerte aux complices du moment ou de la solennité. Dans Cassation, un équipement pour la nudité - un "nécessaire à sérénade" - équivaut à l'attirail pour s'adapter à la pénombre. Les musiciens du trio jouent le plus souvent quasi chitarra (avec ou sans plectre), ne prenant l'archet (le plus souvent con legno) que pour les dernières minutes de la musique. Le piano semble en travaux (bien que la musique continue). La clarinette, elle, fait souvent ce geste de réparation, chassant par un souffle blanc les impuretés qui pourraient compromettre le chant. Même si le chant, très embusqué, tarde en effet à venir. Traversée haptique, où l'avancée se fait plus souvent à tâtons. Dans cette sérénade-toccata où la vérification par le toucher est simultanée au lancer, j'ai voulu évoquer la vivacité tactile comme art suprême de la perception, telle que Diderot le décrivait chez Mélanie de Salignac (la plus belle "aveugle des Lumières") dans son Addition à la Lettre aux aveugles. Un braille auditif, non surtitré. Le geste instrumental prenant appui sur ses propres vides reconstruit une énergie en cherchant son équilibre par la vitesse, ou dans l'empreinte d'un son révoqué par le geste même. Ce que Simon Hantaï a appelé la mutilation qualifiante. Cependant, cette course haletante doit garder, par-delà le saut d'obstacles, le caractère de son genre d'origine, le divertimento, même s'il confine ici, souvent furioso, à la sérénade - poursuite, par griffures, itérations, effacements, retournement du Geste qui va chercher la conséquence en son envers. Pas ici de réminiscence, mais ce qu'on pourrait appeler le référent au radoub (un premier titre de l'oeuvre était Wrack - "épave" en allemand). Il se trouve cependant que certains éléments du matériau de Cassation croisent le beau thème-accord écrit par Wagner à l'époque de Tristan puis retouché à Palerme trente ans plus tard. C'est un fragment de quelques mesures, la dernière musique notée par lui, sérénade immobile offerte à Cosima pendant l'hiver de 1882 (et utilisée par Visconti pour le générique de fin de son film Ludwig.)