Classique
Contenu
Sonate #1 BWV 525
Sonate #2 BWV 526
Sonate #3 BWV 527
Sonate #4 BWV 528
Sonate #5 BWV 529
Sonate #6 BWV 530
Description :
Transcription pour alto et piano par Bruno Monsaingeon et Antoine Joly
On ne saurait affirmer que le répertoire original de concert de l'alto, en tant qu'instrument soliste, soit richement pourvu en chefs-d'oeuvre. Au mieux, et encore si on inclut les sonates de Brahms, elles-mêmes transcrites de la clarinette, deux programmes de récital et on a fait le tour de la question.
Avec le présent recueil, nous n'avons d'autre ambition que de contribuer à élargir cet éventail.
Les six sonates - dites en trio - pour orgue de Johann Sebastian Bach, figurent parmi les oeuvres les plus rigoureuses du compositeur. A l'inverse d'autres compositions pour orgue de Bach, ses grandes Fantaisies et Toccatas, dans lesquelles abondent de luxuriantes formules virtuoses de nature indubitablement instrumentale, les sonates relèvent d'une stricte écriture à trois voix, sans que jamais le moindre ajout harmonique, la moindre tentation exhibitionniste, viennent troubler leur parfaite pureté polyphonique.
Il nous est apparu que leur facture fondamentalement a-instrumentale était telle que ces sonates se prêtaient sans doute mieux que toutes autres à la transcription. De surcroît, il était clair qu'il existait une évidente adéquation entre leur écriture et celle destinée à un instrument à archet, et que la vocalité intensément expressive de leurs mouvements lents, comme la sobre alacrité de leurs mouvements rapides, conviendraient à merveille aux couleurs sonores très spécifiques de l'alto.
Restait à faire en sorte que la transcription pour cet instrument crée l'illusion qu'elles avaient été originellement conçues pour lui.
A cet égard, deux types de problèmes étaient à résoudre.
Le choix des tonalités. Bach lui-même, lorsqu'il adaptait pour le clavier ses concertos originellement écrits pour le violon, recourait toujours à un changement de tonalité, en transposant systématiquement ces oeuvres d'un ton vers le bas. Passer du clavier de l'orgue à l'alto requérait de procéder à un traitement analogue, pour faire en sorte que l'instrument à cordes soit exposé dans le registre qui lui serait le plus favorable, tout en tenant compte de ses propres limites. Dans notre recherche des tonalités les mieux adaptées à chacune des sonates, nous avons été guidés par le souci de contourner deux écueils celui qui contraindrait l'alto à jouer dans un registre trop aigu, où sa sonorité a tendance à se faire claironnante - et à éviter parallèlement de l'emmener trop souvent vers son registre grave, magnifique pour les notes tenues et chantantes, mais qui sied mal aux notes rapides, telles que les doubles croches, dont les Allegros de Bach font une allègre consommation. Du fait de l'épaisseur des cordes graves de l'alto, leur émission y est quelque peu confuse, et elles y prennent presque inévitablement une sonorité pelucheuse qui rend l'équilibre acoustique de la souveraine polyphonie de Bach peu perceptible. C'est ainsi qu'après bien des essais et tâtonnements, nous sommes arrêtés aux transpositions suivantes: de Mi bémol majeur à Sol majeur pour la 1e sonate, d'Ut mineur à Sol mineur pour la 2e, de Mi mineur à Ré mineur pour la 3e, et ainsi de suite. Dans l'édition, nous indiquons à chaque fois la tonalité d'origine.
Pour finaliser nos choix, nous avons d'ailleurs dû jouer avec un paramètre supplémentaire, car il va sans dire qu'une fois décidée la tonalité d'ensemble de telle ou telle sonate, nous nous sommes fixé pour règle de respecter les relations de tonalité adoptées par Bach entre les mouvements rapides et lents de ses oeuvres.
La distribution des voix entre les deux instruments. Bach ayant naturellement réparti les deux voix de "dessus" et la voix de basse de ses sonates entre les deux mains et le pédalier de l'organiste, la solution qui apparaissait à première vue s'imposer pour notre transcription, consistait à attribuer la voix supérieure à l'alto, tandis que les deux mains de l'instrument à clavier se chargeraient de la voix médiane et de la basse. Et de fait, c'est ainsi que nous procédâmes pour l'essentiel. Néanmoins, en de nombreuses occasions, nous avons jugé bon de faire exception à ce principe trop simple. Deux types de raisons nous ont ainsi conduits à recourir ici ou là à une redistribution des parties d'un instrument à l'autre. Le souci là encore de ne jamais placer l'alto dans une tessiture extrême, et surtout d'éviter d'aboutir à une confusion des entrées et des réponses fuguées. Ce faisant, nous croyons être parvenus par la même occasion à créer des échanges d'une grande vitalité entre les deux instruments.
En publiant ici le résultat du travail prodigieusement stimulant qui fut le nôtre - accompagné de propositions de coups d'archet soigneusement étudiées (mais évidemment révisables selon les choix interprétatifs de chacun), destinées à en rendre clairs le phrasé, l'expression et la facture - nous avons la conviction de pourvoir à l'enrichissement du répertoire des altistes sous la forme de six chefs-d'oeuvre de tout premier ordre, sans que la transcription les ait d'aucune manière dénaturés. Nous sommes également persuadés que le soi-disant "parent pauvre" de la famille des cordes ne le cédera en rien au "roi des instruments" dans l'expression du sublime lyrisme constamment présent dans ces oeuvres de Johann Sebastian Bach.